Le Grimoire au rubis, cycle 1, 2 Le sortilège du chat (2006) by Bottet Béatrice

Auteur:Bottet, Béatrice [Bottet, Béatrice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Amour, Aventure, Magie, Juniors, Histoire, Sorcellerie
Éditeur: Casterman
Publié: 2013-05-10T22:00:00+00:00

Si tu veux étudier la Magie,

commence par bien comprendre

que tout le monde matériel, tout ce que tu vois et pratiques,

n’est la traduction que des lois et des idées

d’un autre plan de connaissance plus subtil,

et qui permet de faire levier sur ce monde.

21

La dépouille du malheureux animal fut sortie du bouillon empoisonné à l’aide d’une écumoire, et la vieille Phelipote fit mine de caresser entre les deux oreilles sa fourrure toute dégoutante de liquide noirâtre.

— Eh bien, mon mignon, dit-elle, tu vois, tu vas encore nous servir. Et bien davantage mort que vivant, en plus.

Une des paupières mortes du chat s’ouvrit brusquement et Bathilde comme Liébault jetèrent un cri d’orfraie.

— Ah, ce n’est rien, dit Phelipote, ces choses-là se produisent tout le temps ! C’est pour faire peur aux débutants !

Les « débutants » ravalèrent leurs protestations. Cela avait déjà été assez pénible d’entendre les bruits métalliques des griffes du chat qui rayaient l’intérieur du chaudron. Heureusement, cela n’avait pas duré longtemps.

La vieille était à son affaire. La table avait été balayée d’un revers de main des restes et des miettes de repas antérieurs et, sur le plateau de bois, le chat fut étendu sur le dos. Ses dents pointues dépassaient de sa gueule, ses griffes étaient sorties de ses membres racornis. Bathilde se retint de dire « pauvre bête ». Manassé posa sur la table une écuelle et saisit le couteau de bronze.

— À vous l’honneur, maître Manassé, fit cérémonieusement Phelipote.

Mais le vieux mage, d’un air las, préféra lui tendre l’instrument. Phelipote fendit le ventre du chat de bas en haut. Le couteau de bronze coupait mal et elle dut s’y remettre à plusieurs reprises, formant une découpe irrégulière. Elle plongea alors ses mains dans la cavité et en sortit tout un paquet d’entrailles visqueuses qu’elle déposa dans l’écuelle en disant :

— Pour plus tard. On sait ce à quoi ça peut servir…

Puis elle jeta un coup d’œil circulaire tout en essuyant ses mains contre un chiffon sale qu’elle avait préparé à côté d’elle.

— Liébault, la suite !

Liébault tendit une autre écuelle, plus grande, plus profonde, luisante de milliers de graines variées qui semblaient autant d’insectes concassés dont les carapaces auraient jeté des lueurs mornes.

— Une louche, Bathilde.

Bathilde obtempéra. Phelipote plongea la louche dans le mélange de graines et commença à en remplir le chat.

— Les aiguillées sont-elles prêtes ? demanda-t-elle tout en continuant la besogne.

Il lui fallut six à sept louchées pour que la panse du chat soit bien pleine.

— Elles sont là, fit Bathilde en montrant deux aiguilles de bronze enfilées d’un brin de laine noire où l’on voyait courir le fil plus fin et plus brillant de cheveux bien soignés.

— Très bien, très bien.

Phelipote tassa les graines et rapprocha les deux bords de la peau. Elle fit un nœud au bout du fil de la première aiguillée. Manassé tenait le livre prêt entre ses mains, ouvert à la bonne page.

— Allons, Manassé, il est temps, ordonna-t-elle. Allons-y.

Elle planta l’aiguille dans la peau du chat et tira jusqu’à être arrêtée par le nœud.

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